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À partir du 13e siècle, plusieurs manuscrits relatent la "rencontre des trois vifs et des trois morts". Trois vivants (généralement des nobles) tombent en chemin sur trois cadavres (des ecclésiastiques ou des nobles). Ceux-ci sont terrifiés par cette rencontre. Les morts s'adressent aux seigneurs en les exhortant à se repentir: "Tel je fus comme tu es, et tel que je suis tu seras / Richesse, honneur et pouvoir sont dépourvus de valeur au moment de votre trépas.". Tel est le sujet commun de poèmes français, allemands, latins, italiens ou anglais. Pour certains, cette légende - aussi nommée "dit" ou "rencontre" - serait d'origine byzantine ou musulmane. Les adeptes de cette théorie soulignent les similitudes existant entre certains contes ou paraboles d'Orient et certains poèmes français. Pour d'autres, la légende serait née en Europe, plus précisément en France ou en Italie du Sud. Là aussi, l'origine est sujet à dispute... Si l'on considère qu'il existe 20 manuscrits français sur le dit, dont trois datent de la fin du 13e et douze du 14e siècle, et que les versions étrangères (quatre en allemand, deux en latin, une en italien et une en anglais) datent au mieux du 14e siècle, il serait logique d'élire la France comme pays d'origine. Cependant, les historiens de l'art ne s'entendent pas à savoir si ces manuscrits sont arrivés avant ou après les peintures murales. En effet, il existe aussi toute une controverse sur la datation de certaines fresques, comme celle de Melfi en Italie et les fragments d'Avignon, de Metz et du Mont St-Michel en France. Sur papier, les premières illustrations accompagnant les poèmes sont plutôt simples. Trois morts, à l'attitude statique, se dressent sur le chemin de trois seigneurs qui voyagent à pied. Ceux-ci ne semblent guère horrifiés par cette rencontre macabre. La présence d'un faucon indique qu'ils sont à la chasse, comme dans cette illustration d'un poème de Baudoin de Condé1 (vers 1285). Avec le temps, la scène évoluent. Dans le Psautier de Bonne de Luxembourg2 (vers 1340), les nobles sont à cheval et les morts se tiennent debout dans des tombes et ils représentent trois stades différents de décomposition. Les œuvres ci-dessus illustraient des poèmes. Cependant à partir du 15e siècle, la rencontre des trois vifs et des morts se retrouvent davantage dans les livres d'heures, ouvrage de dévotion privée. Leurs succès contribuent à faire évoluer ce thème. Dans certaines illustrations vivants et morts partagent le même décor, un simple calvaire marquant la frontière entre les deux mondes. Ce bas-de-page des funérailles de Raymond Diocrès provenant des Très Riches Heures du Duc de Berry 3 (vers 1485, image à droite) le démontre. Mais cette frontière n'est pas toujours respectée: dans le Livre d'Heures à l'usage des Bourges4 (vers 1460), les cadavres surgissent de leurs tombes pour bondir sur les vivants. Dans le Livre d'Heures flamand 5 (vers 1500), les morts sont armés de lances et assaillent les trois vivants, parmi lesquels se trouve une femme! Enfin, le Livre d’Heures à l’usage de Rome 6 (fin 15e siècle) montre une scène d'une rare violence: un cadavre portant une tombe s'apprête à occire un chevalier désarçonné d'un coup de lance. Ces trois derniers exemples montrent à quel point certains artistes prenaient des libertés avec le thème du "dit des trois vifs et des trois morts". Bien entendu, on trouve aussi cette légende peinte al fresco dans des églises, soit pour accompagner des danses macabres comme celles de Paris, de Meslay-le-Grenet, de Kermaria ou de La Ferté-Loupière, soit en solo. à elle seule, la France a recensé 92 fresques de ce genre. Il en existe aussi en Angleterre (58), en Italie (16), en Allemagne (13), en Suisse (4), au Danemark (4), aux Pays-Bas (4), en Espagne (2), en Irlande (1) et en Suède (1). Le "dit des trois vifs et des trois morts" a de nombreux points communs avec la danse macabre. Toutefois, il ne faut pas conclure qu'il en est un précurseur. Certes, ces deux genres artistiques offrent un dialogue entre vivants et morts et une division en classes sociales. De plus, ils rappellent au peuple que tous les humains, même fortunés, sont soumis à la mort; et ce, par un violent effet de contraste entre la magnificence des vivants et l'abomination des cadavres putrides. Cependant, il existe une nuance importante dans la philosophie des deux œuvres. Avec les danses macabres, le glas a sonné et tous doivent joindre la danse: il est trop tard pour se repentir. Dans le "dit des trois vifs et des trois morts" (à l'exception de quelques œuvres originales où les nobles se font attaquer), les macchabées incitent les vivants à faire acte de contrition. Références 1 Paris, BNF, ms.3142, f.311v. Vers 1285. 2 New-York, Cloisters Mus., ms.1969, f.321v-322r. Entre 1332 - 49 3 Chantilly, mus. Condé, ms.65, f.86v, vers 1485-89. 4 Moscou, mus. hist., Mus.388, f.17, vers 1460. 5 Londres, British Library, ms.35313, f.158v, vers 1500. 6 Lewis, ms.E108, f.109v. fin 15e siècle.
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