La Mort
Vous qui vivez: il est certain,
Quoique cela tarde, que vous danserez.
Mais quand, Dieu seul le sait!
Réfléchissez à ce que vous ferez alors.
Sire pape, vous irez le premier,
En votre titre de plus digne seigneur;
Vous serez honoré à cet égard.
Honneur est dû aux grands souverains.

Le pape
Hélas! Faut-il que je mène la danse,
Que j'aille le premier, moi qui suis l'incarnation même de Dieu?
J'ai eu la plus haute dignité
En l'église, comme saint Pierre;
Mais la Mort vient me quérir comme tous les autres.
Je ne me soucie pas encore de mourir,
Mais la Mort fait la guerre à tous.
Il vaut peu, l'honneur qui passe si vite!

La Mort
Et vous, qui n'avez pas votre pareil au monde,
Prince et seigneur, grand empereur,
Vous devez lâcher la ronde pomme d'or;
Armes, sceptre, couronne, bannière,
Je ne vous les laisserai pas;
Vous ne pouvez plus régner.
J'ai comme coutume de tout emporter.
Les fils d'Adam doivent tous mourir.

L'empereur
Je ne sais pas qui je dois appeler à mon secours
Contre la Mort, qui m'a en son pouvoir.
Il me faudrait une arme pour combattre le pic, la pelle
Et le linceul; j'en ai grand besoin.
J'ai été le plus grand seigneur au monde,
Et il me faut mourir pour toute récompense!
Qu'est-ce que le pouvoir des mortels?
Même les plus grands n'en ont pas.
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