Les danses macabres
du Danemark

Nørre Alslev

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1996-2018 © Patrick Pollefeys

Le Danemark possède deux danses macabres. La plus ancienne se trouve à Egtved et elle est en mauvais état. La seconde, qui est très bien conservée, se trouve à Nørre Alslev. Certaines sources considèrent qu'il existe une troisième danse macabre au Danemark, celle de Jungshoved; mais une analyse approfondie donne à croire que cette dernière oeuvre appartient à un tout autre genre.

Nørre Alslev
La danse macabre de Nørre Alslev, ville située dans l'île de Falster, se trouve dans l'église de la cité. Elle a été peinte dans les années 1480 et, comme bien d'autres fresques médiévales, a été enduite de chaux au 17e siècle, pour être ensuite redécouverte au début du siècle. Cette danse macabre se lit de la gauche vers la droite. Elle débute avec un mort qui semble assis et qui joue d'un instrument à vent. Malheureusement, ce personnage est à moitié effacé. Par la suite viennent seulement quatre personnages: le roi, l'évêque, le noble et le paysan. Des arabesques et des fleurs stylisées servent de décor à cette fresque. Celle-ci n'est accompagnée d'aucun texte, et il est difficile d'interpréter qui sont les partenaires des vivants dans la farandole. Certaines sources voient, dans ceux qui accompagnent les vivants, des démons et non des cadavres. Ils soulignent que celui qui danse avec l'évêque est cornu et qu'un autre tire la langue. Un examen attentif révèle toutefois que les cornes et la langue sont en réalité des vers ou des serpents qui sortent des orbites ou de la bouche des macchabées. L'ajout de ce détail rend les morts encore plus repoussants et amplifie le sentiment d'effroi chez l'observateur. Pour un agrandissement de la fresque, cliquez ici.

Egtved
La ville d'Egtved, nichée dans la région continentale du Danemark, le Jylland, possède en son église une danse macabre datant des environs de 1450. Cette fresque jadis imposante est malheureusement aujourd'hui très endommagée. Lorsque les danses macabres furent passées de mode, on installa le long des murs des stalles en bois, qui couvraient les personnages des pieds jusqu'aux épaules. Conséquence: les danseurs ont un corps relativement bien conservé pour leur grand âge... mais ils ont tous perdu la tête! Seul, le cadavre qui amorce la danse a conservé son crâne. Est-ce le temps qui aurait effacé la partie supérieure de la danse macabre? Peut-être. Il se pourrait aussi que des fidèles, lassés de se faire narguer par des têtes sans corps, aient décapité les figures! Quoi qu'il en soit, ce qu'il reste de la fresque est désormais à l'abri. Lors des dernières rénovations de l'église, on l'a découpée et couverte d'une vitre protectrice. Vous pouvez cliquer sur l'image ci-dessous pour visualiser les différents panneaux de cette danse macabre.

Ensemble de la fresque

Avec ses 21 personnages - dix morts, dix vivants et un personnage inconnu - cette danse macabre est la plus importante de la Scandinavie (en cliquant sur l'image ci-dessus, vous pouvez faire défiler les six images de cette fresque). Dû à son état avancé de dégradation, on ne peut toutefois déterminer la classe sociale de tous ses vivants. L'oeuvre se déroule à l'envers du sens normal de lecture et commence à l'extrême droite avec un prologue. Dans cette première image le Christ, décapité comme tous les autres personnages de la danse et couvert de plaies, se tient debout auprès d'un calice. (Cette image rappelle une vision du pape Grégoire IV, qui entrevit le Seigneur blessé; le sang qui jaillissait de son corps était recueilli dans un vase précieux.) La prière qui accompagne cette partie de l'oeuvre évoque les souffrances qu'a endurées le Christ pour notre salut. La danse macabre proprement dite débute ensuite avec un squelette qui entraîne le pape, puis l'empereur (ou le roi) et le cardinal. Les sept personnages suivants ne peuvent être identifiés avec certitude. Quant à celui qui clôt la danse, il pourrait s'agir d'un squelette; mais son pied diffère de celui des autres. Il est aussi possible que ce soit un récitant, quoique ce type de rôle figure normalement au début de la farandole et non à la fin.

Jungshoved
Selon plusieurs sources danoises, une danse macabre se cache dans cette petite ville du Sjaelland. Cependant, l'oeuvre s'apparente plutôt à un thème folklorique très répandu en Scandinavie. Il était une fois une jeune fille, jolie et innocente, qu'un galant courtisait... Pour gagner son amour, l'homme lui promit une couronne et des richesses inépuisables. Séduite, la belle s'enfuit avec lui. Mais dès qu'elle se retrouva seule avec son beau cavalier, celui-ci révéla sa vraie nature: sous son déguisement humain se cachait un diable (ou un monstre local, selon la version)! C'est ce conte, et non pas la danse macabre, qui aurait inspiré l'artiste de Jungshoved. Voilà du moins ce que croit Lise Præstgaard Andersen, auteure de la première étude sérieuse sur ces fresques.

Jungshoved

De gauche à droite (cliquez ici pour une meilleure image), nous distinguons un chevalier (très effacé), une jeune fille, un diable, une autre jeune fille et un autre chevalier (très effacé lui aussi). La première jeune fille tend un bras au chevalier et l'autre au diable; elle semble sur le point de céder à la tentation. La seconde jeune fille, elle, porte déjà la couronne. Le diable lui tient la main et le second chevalier lui tourne le dos; la jouvencelle a cédé aux forces du mal, séduite par les présents.

Quelle que soit la nature de la fresque de Jungshoved, celle-ci n'appartient pas selon moi au genre de la danse macabre. La figure centrale, toute noire, ressemble bien plus à un diable qu'à un cadavre. Si on y regarde de plus près, on lui découvre même une queue et des ergots! Quant aux vivants, ils sont représentés par seulement quatre personnes, toutes issues de la noblesse. Aucun ecclésiaste, aucun bourgeois, aucun pauvre: ceci va à l'encontre de la tradition de la danse macabre, qui présente toujours de gens de différentes classes sociales. De plus, pour autant qu'on puisse attribuer un sexe aux personnages de cette fresque, on y trouve deux femmes pour deux hommes. Or, mis à part une seule exception, la Danse macabre des femmes de Guyot Marchand (variation sur un succès commercial de l'époque), les danses macabres présentent toutes une majorité de personnages masculins.

Les images de danses macabres du Danemark sont une gracieuseté de M. Axel Bolvig et de M. Martin Hagstrøm. M. Bolvig a recensé toutes les fresques connues dans les églises danoises. Pour naviguer sur son site, cliquez ici. M. Hagstrøm a traduit cette partie en danois et numérisé des images. Cliquez sur le lien suivant pour visiter son site sur les danses macabres danoises.